Critique - L’illusionniste de Sylvain Chomet
- Marie-Lou Monnot
- 13 nov. 2019
- 3 min de lecture
Sylvain Chomet est un magicien de l’image, un conteur fabuleux, qui a bien plus d’un tour dans son sac… Après son excellent premier film en 2003, Les triplettes de Belleville, ce bédéiste revenait en 2010 avec son second film d’animation basé sur un scénario de Jacques Tati, L’illusionniste, césarisée l’année suivante. Une œuvre magique, véritable voyage initiatique, entre l’Ecosse et Paris, et entre le rêve et la réalité…

Contes sans mots Sylvain Chomet est un raconteur d’histoires comme on les aime. Simple, drôle, et avec un brin de fantaisie magique. Et pas de magie sans magicien… Le vieil artiste est ici rattrapé par son temps et tente tant bien que mal de trouver des contrats sur les scènes parisiennes… Mais avec l’arrivée du Music-Hall, difficile de se faire une place face à ces Boys Bands survoltés. Les vieux tours, hélas, n’émerveillent plus personne. Partir en Angleterre devient alors la seule solution à ces yeux. Si les difficultés y seront les mêmes, il y rencontrera là-bas une jeune fille, Alice, elle aussi un peu perdue et qui va bouleverser sa vie. De leur rencontre va naître l’espoir… L’illusionniste, c’est ça : une histoire d’amour envers le monde du spectacle, du cinéma. Une histoire d’amour avec la vie, en somme. Notre illusionniste s’évertue à nous montrer ces petites choses qui enchantent un quotidien, à condition de savoir ouvrir son cœur, et d’y croire. C’est une rencontre entre le public et ce vieux monsieur de magicien qui nous émerveille autant qu’il nous touche. Comme ce vieux magicien désabusé, Sylvain Chomet nous montre que le rêve est possible. Ce film, c’est notre Alice à nous, notre espoir, notre réalité que la magie n’est jamais bien loin, qu’elle se cache simplement derrière la télévision et la société de consommation aux lumières blafardes. Basé sur un scénario de Jaques Tati, il semblerait que les réalisateurs aient été faits pour se rencontrer. Leurs mondes respectifs fusionnent parfaitement ensemble : la poésie de Chomet, les trucs et bidules de Tati, drôles et toujours plein de tendresse. Sylvain Chomet est un poète du quotidien, qui nous enchante et nous passionne. Un oncle un peu fou.
Un voyage au pays des images
Ne vous attendez pas à des dialogues très élaborés ici… Simplement parce qu’ils sont quasiment absents, tout du moins dans le sens où on l’entend habituellement… Les dialogues sont ici entre l’image, majestueuse, et la musique, qui l’est tout autant… A la manière d’un vieux film muet, le réalisateur réussit un coup de maître. Sans paroles ou presque, le film se dévore comme une bande dessinée vivante. Chaque plan, chaque séquence est une véritable œuvre d’art. Les dessins sont précis, jusque dans les particules de poussière dans un rayon de soleil. Les paysages de l’Angleterre sont à couper le souffle. Pas besoin de 3D ici pour nous faire rêver et donner envie de voyager : Sylvain Chomet le fait en quelques coups de crayons, et encore une fois, c’est magique. Le travail sur les lumières, souvent tamisées, donne à l’ensemble l’aspect d’un souvenir passé, comme une vielle photo jaunie dont un grand parent nous raconterait l’histoire. On retrouve bien évidemment son style, celui qu’on avait déjà tant apprécié dans Les triplettes de Belleville, même si ici les couleurs, les teintes, sont plus chaudes, les gris froids étant réservés aux lieux éclairés à l’ampoule électrique… Mais le voyage se fait également par la musique, toujours primordiale dans les films de ce réalisateur. Réalisé en partie par M dans Les triplettes de Belleville dans une ambiance manouche, la place est laissée ici à des morceaux plus axés sur le piano, agrémentés toutefois de quelques morceaux de rock et, bien sûr, quelques vielles chansons francophones. Sylvain Chomet le dit lui-même : « La musique a été écrite pour fonctionner avec l’image ». Et puis, c’est un voyage dans le temps aussi. Grâce aux dessins, Chomet fait revivre Jacques Tati en personne, et rien que pour cela déjà, on est touché. Grâce à lui, ce scénario oublié de Tati, lettre d’amour d’un père à sa fille, a pu voir le jour, et en prime, d’une des plus belles des manières qu’il soit…
Si vous ne connaissez pas le travail de ce grand enfant, courrez vite découvrir L’illusionniste, sans doute sa plus belle réalisation parmi sa courte filmographie. Et si le dessin animé ne vous parle pas toujours, penchez-vous sur sa dernière réalisation, cette fois-ci en prise de vue réelle, Atlita Marcel. Un très beau film également, tout aussi poétique et qui enchante encore une fois notre quotidien. Coté humour et musique, c’est également lui qui a réalisé le clip Carmen de Stromae. Bref, un artiste discret qui a le don de nous emporter à chacune de ses réalisations. On attend avec impatience la prochaine…
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